Quête ou conquête
« J’ai envie d’être désirée, sans n’être qu’un trésor convoité ; d’ébranler des sens cachés, de fasciner puis d’inspirer ; au peintre, la chaude couleur d’un ciel d’été ; au musicien, l’écho d’un chœur et son coryphée ; comme le vent, je me laisse porter, comme le vent, je me sens transportée, son souffle ne fait que m’attiser, je ne peux m’empêcher de brûler. » (poème rédigé en 1999)
Séduction : quête ou conquête ?
Quête du latin populaire quaesita, du latin classique quaerere qui veut dire « chercher » : Action de chercher (Larousse). Action d’aller à la recherche (de qqn, de qqch) (Le petit Robert).
Conquête du latin populaire conquaesitum, de conquaerere qui veut dire « chercher à prendre » : Action de conquérir quelque chose ;ce qui a été conquis (Larousse). 1. Action de conquérir ; action de lutter pour obtenir ; ce qui est conquis. 2. Fig. Action d’amener les autres à soi, de les séduire ; pouvoir sur ceux que l’on a conquis (Le petit Robert)
Lors d’une rencontre avec une psy, à une époque où je qualifierais mon état mental comme étant en crise d’égocentrisme extrême, cette dernière m’avait demandé de créer un mandala en rapport avec mon état d’être. J’ai tracé mon grand cercle et je l’ai divisé en deux. J’y ai dessiné dans la partie du bas quelque chose que j’avais qualifié de mer. Je n’ai pas colorié la partie du haut, c’était l’espace du papier. Sur l’eau, j’ai fait une plume, toute petite, grise. Voilà ce que je lui ai présenté. Elle m’a alors demandé ce que cela signifiait pour moi, puisqu’il s’agissait d’identifier comment je me sentais. Je lui ai alors précisé que je me sentais comme une plume, tellement légère qu’elle peut partir d’un côté comme de l’autre. Mais cette légèreté ne traduisait aucunement une légèreté d’être, ni la liberté, mais plutôt le fait que je ne savais quelle direction prendre donc comme la plume, je me laissais porter par les vagues et même parfois la houle. Elle me questionna aussi sur le fait d’avoir dessiné une plume plutôt qu’un oiseau, qui aurait alors pu voler dans la direction qu’il veut. Pour elle, le fait de me sentir comme une plume démontrait que je n’étais qu’une partie de quelque chose. Elle me disait cela avec une expression de gravité, je l’entends encore : « tu réalises que tu n’es même pas un oiseau, tu n’es qu’une plume, tu comprends bien le « poids » de cette image ! » En fait, j’étais dans un état de détresse. Une partie de moi avait un besoin viscéral de fuir n’importe où, quelque part où je pourrais être la vraie moi, ce que, bien entendu, je n’avais pas l’impression d’être à ce moment. C’était le début de ma quête !
Enfin, où je voulais en venir avec les mandalas, c’est que par la suite, lors d’une autre rencontre, je devais dessiner un mandala qui traduisait comment je voulais me sentir avec les autres. J’ai tracé mon cercle et j’ai pris un crayon jaune, car il n’y avait pas de crayon doré. J’ai alors dessiné une femme, en robe longue, comme les statues de la Vierge. On s’entend que c’était un dessin grossier, sans traits précis, une tête avec des cheveux longs, dont le corps est simplement constitué de la robe qui va jusqu’à terre. Ses bras sont toutefois présentés ouverts, les mains aussi, comme si elle attendait quelque chose, comme si elle disait « venez à moi ». En fait, c’est ce qu’elle disait, sans le dire, car autour d’elle, j’ai dessiné plusieurs bonhommes allumettes qui servaient à représenter la multitude des gens. Ceux qui sont près d’elle ont une forme plus définie ;ils sont là, à ses pieds, pour l’admirer, l’écouter.
Séduire est aussi une action qui vise à susciter l’admiration. C’est exactement comme ça que je voulais me sentir face aux autres, c’est exactement ce que je voulais faire naître. Je me suis dessinée comme une icône, une idole qui est admirée. En voyant cette image si forte qui parlait d’elle même, j’ai ressenti un malaise, une gêne. Je venais de me révéler et par le fait même, je venais de me reconnaître. C’était le début de ma conquête.
Lorsque l’on passe plusieurs années de sa vie avec une autre personne, il arrive que l’on s’oublie. Ainsi, lorsque cette relation se termine, on a alors l’impression de ne plus savoir qui nous sommes. Si nous ne prenons pas le temps de se retrouver, par peur d’être seule ou par habitude d’être avec quelqu’un, nous entrons souvent trop rapidement dans le processus de la séduction, pour combler un vide que nous ne sommes pas capable de remplir nous même. Mais quand on y pense sérieusement, le but réel de cette démarche, c’est le désir d’être bien avec soi-même, la quête de soi, ce que, dans l’étourdissement du jeu de la séduction, nous ne réalisons pas. C’est là que la conquête commence aussi, puisqu’alors, la garde baissée, nous devenons parfois l’objet de désir d’un conquérant.
« Autrement dit, l’amour pur, désintéressé, sincère, naïf, n’est pas suffisant pour susciter l’intérêt de l’être aimé. L’art de la séduction est indispensable. » Je t’aime, Francesco Alberoni
Séduire, c’est du grand théâtre et parfois, pour jouer le rôle de leur vie, certains vont porter un masque pour arriver à leurs fins, quelles qu’elles soient. Il y a ceux qui sont habiles à ce jeu, utilisant toujours la même technique ; puis les plus timides, voulant faire partie de LA scène. Ces derniers cherchent à se manifester avec les moyens qu’ils connaissent, souvent sans qu’on ne les voient venir, sans que l’on ne s’en méfie. Comme dans cette chanson de Desjardins, ceux-là crient depuis longtemps : « Je veux changer de personnage » ! Le désir de connaître le grand amour peut nous faire faire bien des folies.
J’ai l’impression que la quête, en ce qu’elle parle de recherche, est plus noble. Souvent imprégnée d’une certaine naïveté, le sujet séduit l’autre d’une façon plus ou moins inconsciente, attirée par un je-ne-sais-quoi qu’il n’a pas encore identifié et qui le conduira sans doute à trouver éventuellement le pourquoi de son choix.
Tandis que la conquête a quelque chose de plus belliqueux, un désir de posséder qui appelle des sentiments de pouvoir, de gain, de fierté. Il faut se préparer pour la conquête, c’est une mise en scène consciente, une chasse où le sujet use de tous ses charmes pour attirer la proie! C’est là que la séduction a un dessein beaucoup moins noble, puisque très égocentrique. Nous ne sommes plus dans la conduite vers soi, mais plutôt dans la conduite vers sa propre perte, car que reste-t-il une fois l’objet de son désir conquis ?
J’ai toujours adoré les contes, récits empreints de merveilleux, regorgeant de personnages colorés vivant des aventures rocambolesques dans des univers côtoyant la réalité et le rêve. C’est en replongeant dans : « Les mille et une nuits » que je me suis fais quelques réflexions en lien avec la quête et par le fait même, la conquête.
Au gré de mes lectures, j’ai remarqué que les princesses de contes de fées n’ont souvent pas de quête. Elles sont plutôt victimes du désir des autres, de leur conquête. La Belle au bois dormant est victime de la vieille fée qui, déçue de n’avoir été invitée à son baptême, se présente à la dernière minute pour exprimer sa vengeance. Sa conquête à elle, c’est le pouvoir de tenir entre ses mains le destin d’un royaume.
Blanche-Neige est victime de sa belle-mère, qui, jalouse de n’être pas la plus belle, veut la faire disparaître définitivement. Elle goûtera pour un instant à un semblant de quête, errant dans la nature, rencontrant les sept nains avec qui elle vivra une certaine liberté d’être qu’elle ne connaissait point. Mais elle sera de nouveau piégée par cette belle-mère, qui ne cessera de lutter pour obtenir ce qu’elle veut. Ici encore, un scénario de conquête pour une place au premier rang.
Que dire de Cendrillon, victime d’une belle-mère qui veut garder pour elle et ses filles toutes les richesses de son défunt mari afin de s’élever dans les castes de la société et pour briller auprès des autres. Des princesses sans quête versus des femmes à la conquête d’un certain pouvoir.
« Beaucoup de femmes se sont affirmées grâce à la séduction. Quand nous séduisons quelqu’un, quand l’autre nous aime, nous acquérons un immense pouvoir sur lui. Et certaines femmes aiment ce pouvoir. Elles aiment se sentir aimées, adorées. Elle aiment dominer. » Je t’aime, Francesco Alberoni
Les contes arabes ou philosophiques sont bien différents dans ce sens. Ils regorgent plutôt de personnages qui sont en quête d’aventures, s’engageant sur une route où ils doivent être alertes aux moindres détails, où l’instinct et surtout leur intuition, seront leurs meilleurs alliés. Oui, ils croiseront des gens qui tenteront de les faire bifurquer, parfois ils seront séduits, les suivront, feront un bout de chemin et apprendront de ces derniers. À d’autres moments, ils auront besoin de certaines personnes pour pouvoir se rendre où ils veulent et à leur tour, ils séduiront peut-être pour conquérir. Mais c’est vraiment lorsqu’ils sont à l’écoute de leur voix intérieure que tout se joue et qu’ils trouvent la vérité, l’objet réel de leur quête, eux-mêmes.
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